A la uneFantasy et Science-fictionLITTÉRATURE

[Lu !] La Voie de la colère d’Antoine Rouaud

ROMAN – Si le titre de ce nouvel ouvrage semble au premier abord d’une grande banalité, l’inscrivant dans la lignée des livres communs de fantasy publiés en nombre chaque année, La Voie de la colère d’Antoine Rouaud (Milady) se révèle, après lecture, une excellente surprise.

la_voie_de_la_colereEn effet, le premier roman d’Antoine Rouaud ne peut être réduit au genre dans lequel il prend place car, bien plus qu’un récit de fantasy, c’est un ouvrage sur les caractères et les relations humaines qu’il offre au lecteur. Et c’est bien par cette attention particulière pour les sentiments, les émotions et l’évolution psychologique de ses personnages qu’il se démarque de ses semblables, devenant, non pas seulement un livre de fantasy, mais bien un Roman à part entière.

Le général Dun-Cadal fut le plus grand héros de l’Empire, mais il n’est plus aujourd’hui qu’une lamentable épave au fin fond d’une taverne. C’est là qu’une jeune historienne vient le trouver. Elle est à la recherche de l’Épée de l’Empereur, disparue dans le chaos des derniers jours de son règne, et que Dun-Cadal aurait cachée en un lieu secret. Pour elle, le vieux guerrier va ressasser ses souvenirs de gloire et ses regrets amers, à commencer par sa rencontre avec ce garçon qui lui sauva la vie et fit sa fierté avant qu’ils ne basculent tous deux dans le drame et le tourbillon de l’Histoire. C’est alors qu’un assassin sans visage se met à frapper au cœur de la République. Les fantômes du passé refont soudain surface, ravivant les anciennes rancœurs et la soif de vengeance d’un homme perdu sur la voie de la colère.*

Commençons d’abord par ce qu’il y a de plus évident : l’histoire. Si, comme tout ouvrage de ce genre, l’intrigue prend place dans un univers à caractère médiéval, avec paysans et chevaliers en armure, et si, au cours du récit, l’on est bien confronté à quelques créatures imaginaires et à un soupçon de magie, l’on découvre rapidement que le propos principal du livre n’est pas là. Les deux éléments, ou plutôt les deux événements qui nous occupent durant presque 600 pages, ce par quoi tout a commencé, sont d’une part la révolte des Salines qui embrase l’Empire et la révolution qui en découle, et d’autre part la rencontre entre le grand général Dun-Cadal Daermon et le jeune garçon au passé mystérieux, Grenouille. C’est dans ce contexte de guerre, de violence, de trahisons et de secrets, que nous allons suivre, pendant presque deux décennies, le lien complexe mais puissant qui unit nos deux protagonistes principaux. Et cette relation va, peu à peu, nous prendre aux tripes, nous serrer le cœur, à mesure que les années passent, que le jeune homme grandit et qu’il se rapproche de son désir ardent de devenir le plus grand chevalier. Mais c’est la rencontre de cette quête initiatique, de cette anecdote avec la révolution en cours, c’est cet entremêlement de l’histoire avec l’Histoire, qui donne un véritable souffle au récit et à ce lien tissé entre les deux personnages. Cette rencontre remet alors tout en cause, jusqu’au sens véritable des événements : « Comme une pièce a deux faces… Il en est de même des événements. Suivant celui qui vous les rapporte, ils changent du tout au tout ».

Et c’est ici que réside l’un des plus grands atouts de ce livre. Antoine Rouaud fait le choix d’un procédé narratif qui, sans être original, sert parfaitement son histoire et la rend absolument palpitante. Naviguant entre passé et présent sans jamais se perdre, puis découvrant les événements de deux points de vue différents, le lecteur est entraîné dans une spirale de découvertes et de révélations dont il souhaite toujours plus découvrir le dénouement. Il rejoint les personnages sur la voie de la colère et les suit avec plaisir au cœur du tumulte qui agite aussi bien l’Empire que leur cœur. De fait, l’auteur maîtrise son récit du premier au dernier mot et rien n’est laissé au hasard. Au fil de la lecture, les pièces du puzzle s’emboîtent une à une et nous rapproche de la Vérité par-delà les subjectivités. Et, si le retour en arrière de la seconde partie pouvait nous laisser craindre une possible redondance et un essoufflement du roman, il n’en est rien. Au contraire, le récit n’en devient que plus captivant car à la quête initiatique se substitue un véritable jeu de masques dont l’enjeu est la chute de l’Empire et l’avènement d’une nouvelle ère. La stratégie la plus efficace n’est plus alors celle utilisée sur les champs de bataille, où Dun-Cadal excelle, mais bien celle chuchotée dans les recoins sombres d’un palais ou sous le couvert des arbres d’une forêt.

Enfin, abordons le point qui m’a définitivement conquise : le traitement des personnages et leurs diverses interactions. Sur un peu moins de six cents pages, l’auteur brasse une galerie conséquente de personnages dont pas un n’est oublié. Tous se révèlent utiles à l’histoire et lui permettent de progresser. Et puis, grâce à son écriture et à sa compréhension de la nature humaine, l’écrivain nous propose des protagonistes convaincants, vraisemblables, attachants, mais surtout d’une fragilité étonnante, très humaine. Les plus grands héros tombent dans la déchéance, les cœurs les plus purs empruntent les voies les plus sombres, les sentiments les plus nobles se voient corrompus par la cruauté de l’existence. Chez Antoine Rouaud, la frontière entre le bien et le mal est plus que jamais floue car, quels que soient leurs intentions et le bien-fondé de leurs motivations, tous les personnages, héros comme antagonistes, se révèlent d’une manière ou d’une autre criminels à un moment de leur vie. C’est cette complexité originelle et propre à tout être humain, cette hésitation constante entre l’intérêt personnel et le bien collectif, cette difficulté universelle à définir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, ce sont enfin toutes ces interrogations que nous connaissons bien et qui nous poussent à comprendre les choix et les actes des personnages sans toujours les cautionner, qui permettent à ce premier roman de nous offrir quelques grands moments de lecture.

En refermant cet ouvrage après une lecture passionnée, La Voie de la colère a trouvé à nos yeux une nouvelle légitimité. Et vous ? Choisirez-vous de suivre la voie de la colère ?

*résumé éditeur

Série : Le Livre et l’épée #1
Auteur : Antoine Rouaud

Format : 588 pages
Editeur : Milady
Genre : Fantasy
EAN : 9782811213800
Prix : 8,20 €
Date de sortie : 23 janvier 2015

3 réflexions sur “[Lu !] La Voie de la colère d’Antoine Rouaud

Répondre à Antoine_Rouaud Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.