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Bécassine, démêler le vrai du faux !

BANDE DESSINÉE – Bécassine, c’est ma cousine ! L’héroïne est de retour dans un nouvelle album inédit. La sortie prochaine de de Bécassine Baby-Sitter est l’occasion de rétablir quelques vérités sur le personnage centenaire imaginé par Caumery et Pinchon et que l’on croit si bien connaitre. Loin d’être sotte et naïve, la Bretonne est même avant-gardiste. C’est parti pour 8 idées passées au crible sur Bécassine, une nounou d’enfer.

Bécassine : jeune fille sotte ou naïve
Et bien c’est faux ! C’est bien mal connaître le personnage que de le réduire ainsi. À travers son regard ingénu, Caumery et Pinchon portent un regard critique sur la société et se moquent des ridicules du monde dans lequel ils évoluent. La personnalité même de Bécassine, sa gentillesse, sa naïveté, son optimisme et ses  maladresses remettent surtout en cause les « valeurs de classe » et les idées reçues de l’époque. Surtout que Bécassine, loin d’être sotte, est inventive et généreuse,
comme le prouvent les nombreuses inventions destinées à aider les autres qui jalonnent ses aventures dont le parquet à ressort et le fameux biberon de nuit  automatique que l’on retrouve dans le film de Denis Podalydès. La véritable « sotte » de l’univers de Bécassine c’est Marie Quillouch, sa méchante cousine, car il n’y a pas pire bêtise que la méchanceté.

Bécassine, incarnation d’une morale bourgeoise et rigoriste
Ohlàlà mais quelle erreur ! Elle est au contraire l’icône d’une éducation d’avant-garde. Comme le rappelle Françoise Dolto à de nombreuses reprises dans son œuvre, Bécassine est la première nourrice qui s’intéresse à l’enfant en tant que personne en devenir. Le mode d’éducation de Bécassine n’a qu’un principe : l’amour. Elle est totalement dévouée aux enfants, à l’écoute de leurs problèmes, à la fois complice et confidente. Une éducation dans la tolérance et le  partage qui fera de Loulotte, une femme active et indépendante, une grande actrice de cinéma.

Bécassine est une simple boniche, figure de la soumission aux puissants
C’est faux, elle est toujours capable de riposter, d’inventer, de rebondir. Mme de Grand Air la traite comme une égale. Ses réflexions sont souvent pertinentes. Elle sort les autres de leurs ennuis, elle sera même une auxiliaire efficace auprès des Alliés. Extrait de Bécassine pendant la Grande Guerre.

Bécassine, Bretonne par hasard
Alors pas du tout. Le choix de la Bretagne comme région d’origine de l’héroïne n’est pas une coquetterie mais une concordance historique… La révolution industrielle  conduit de nombreux Bretons à « monter » à Paris pour trouver un emploi, grâce au chemin de fer et à la construction de la gare Montparnasse. Contemporaine de ce mouvement, Bécassine l’embrasse, apportant avec elle à Paris sa candeur et sa fraîcheur, son dynamisme et son ingéniosité.
Quoique… ! Dans les premières années du XXe siècle, l’émigration bretonne est particulièrement importante et nombreuses sont les jeunes filles qui se placent comme domestiques et bonnes d’enfants. Jacqueline Rivière, en bonne bourgeoise, avait une petite bonne bretonne… c’est tout naturellement qu’elle s’en est inspirée pour raconter les premières aventures de notre Bécassine… qui est donc Bretonne à la fois pas par hasard… et complètement par hasard ! Elle porte d’ailleurs un costume… picard, de la région natale du dessinateur Pinchon !

Bécassine préfigure l’émancipation de la femme !
Exact ! N’en déplaise à ceux qui voudraient la définir comme docile et servile, Bécassine est une femme moderne et active. Première héroïne de bande dessinée, elle est employée de maison, donc elle gagne à la fois sa vie, son autonomie et son indépendance. Au cours de ses aventures, elle est l’une des premières femmes à conduire une voiture, mais également un tramway et pilote un aéroplane ! Sans oublier qu’elle participe activement aux événements de son époque, même les plus durs. Bécassine est ainsi patriote et courageuse, «  pendant la Grande Guerre », « chez les Alliés » ou encore lorsqu’elle est mobilisée ou fait de la résistance. Le tout sans jamais perdre son grand cœur. Un patriotisme et un effort de guerre que ne manqueront pas de noter par les Nazis qui saisiront les albums de Bécassine, seulement 48 heures après leur entrée dans Paris en 1940, jugeant les aventures de cette petite Bretonne trop subversives !

Et pourtant Bécassine n’a pas de bouche ! C’est pour mieux la bâillonner ou parce qu’elle n’a rien d’intéressant à dire ?
Ni l’un ni l’autre. Bien au contraire, Bécassine parle, ô combien ! Avec énergie et une totale liberté, elle n’a pas la langue dans sa poche ! Imbattable en parler populaire, en expressions poétiques riches de sens, elle invente même des mots et n’a jamais peur d’exprimer ce qu’elle a à dire. C’est Pinchon qui graphiquement ose une vraie modernité : dessiner un visage si rond et simple qu’il peut revêtir, en toute liberté, toutes les expressions possibles.

Bécassine a inspiré Hergé
Et oui, c’est vrai. En l’observant, on retrouve bien en elle des traits d’un certain reporter à houppette. Et avant lui, les Pieds Nickelés. Car Bécassine marque les prémices tant narratives que graphiques de la bande dessinée. Les formes stylisées et rondes, les contours précis, les couleurs posées en aplats, des personnages aux silhouettes épurées. Un dessin réaliste réalisé à la plume et légèrement aquarellé. Le découpage des histoires en cases et en planches. Tout en Bécassine amorce les codes de la bande dessinée et annonce le courant de la ligne claire. Avec Bécassine, Caumery et Pinchon introduisent surtout la notion de mouvement, base même de la narration BD, et influenceront toute une génération d’auteurs. « Premier personnage récurrent d’une série d’historiettes en images, première représentante de la ligne claire, elle a su, en toute modestie, influencer les successeurs de ses pères. Ses bévues ne rappellent-elles pas certains malentendus dans lesquels s’empêtre le professeur Tournesol créé par Hergé ? Ou bien les gaffes du célèbre Gaston de Franquin ? » écrit Bernard Lehembre, historien et auteur du livre Bécassine, une légende du siècle.

Bécassine, des vieilles histoires palotes sans intérêt
Que nenni ! Les aventures de Bécassine ont une originalité étonnante dans l’univers de la bande dessinée. Ce petit monde vieillit, évolue, Bécassine la première que l’on découvrira enfant, adolescente, jeune domestique et, ensuite, plus âgée et expérimentée. Il en est de même de personnages de son entourage. Bécassine acquière donc, au fil des histoires, beaucoup d’épaisseur. Les albums de Bécassine collent également à l’actualité de l’époque, un peu comme les Tintin. Les évolutions de mœurs, de modes vestimentaires, les innovations techniques, les difficultés économiques du moment sont épinglées par les auteurs avec justesse. Personnage d’une richesse incroyable, Bécassine est avant tout une fille pleine de gentillesse et de bonne volonté, vite désolée, vite inquiète, mais toujours tonique, pleine d’énergie et de bonne humeur ; un personnage bienveillant et extrêmement attachant.

Bécassine Baby-Sitter sort le 3 octobre en librairie aux éditions Gautier-Languereau au prix de 13,95 euros (22,5 x 31 mm/48 pages). En plus du format standard l’album bénéficie d’un tirage de luxe numéroté et limité à 2000 exemplaires au prix de 29,95 euros.

 

Ender

Claire "Ender" a fait de la communication son métier. Si sa curiosité professionnelle l'a poussée à créer son blog, c'est bien sa passion de la culture et de l'entertainment qui la motive à le développer au quotidien.

2 réflexions sur “Bécassine, démêler le vrai du faux !

  • chantoung

    Merci pour cette éclairage sur cette belle personne qu’est Bécassine.

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